Introduction à la peinture aborigène du désert central

 

 

haast.JPG (11561 octets) Une brève histoire de la peinture aborigène à l’acrylique

    Le mouvement de la peinture aborigène du désert central est récent si on le compare aux 40 000 ans de présence aborigène sur le continent australien. La naissance de ce mouvement s’inscrit dans un contexte dramatique où des colonisateurs blancs envahissent les terres ancestrales des aborigènes. Le début du siècle est marqué par des massacres comme celui de Coniston en 1928 et par l’enlèvement des enfants métis pour les placer dans des institutions. Après la seconde guerre mondiale, la politique d'assimilation instaurée par le gouvernement australien se traduit par la création de camps de regroupement aborigènes comme Papunya ou Yuendumu. Le terme "regroupement" signifie que plusieurs groupes de nomades ont été forcés à vivre ensemble dans un endroit fixe et clos. Plus tard, ces camps allaient être les points de départ du mouvement de la peinture aborigène à l’acrylique.   

   L'histoire de cette peinture commence en 1971 à Papunya. A cette date, un professeur de dessin blanc, Geoffrey Bardon, est nommé à l'école de Papunya. Profondément révolté par la situation des aborigène dans ce camp, il demande aux jardiniers de l'école et à des hommes initiés de décorer les murs de l'établissement avec des dessins traditionnels. Les fresques sont une première fois exécutées puis contestées car certains motifs sont réservés à des personnes initiées. Après de longues discutions, certains motifs sont effacés pour respecter le secret des histoires. Ce premier fait pictural est le début du renouveau de  la culture aborigène au travers de la peinture.

   Le deuxième phase du mouvement est déclenchée par l'instauration d'une loi sur le droit à la terre aborigène datée de 1976 (applicable uniquement dans le Northern Territory). Dans cette loi, le gouvernement australien permet aux aborigènes des territoires du nord de retourner sur leurs terres traditionnelles et d'en devenir légalement les propriétaires. Au début des années 80, de nombreux aborigènes quittent les camps de regroupement pour établir des " outstations ", c’est à dire des communautés situées sur des sites ancestraux. L'une d'elle, Kintore, est maintenant le lieu d'une peinture traditionnelle réputée. Parallèlement à l'activité artistique développée à Papunya, un programme de batik a été lancé en 1977 dans la communauté d’Utopia. Cette technique a permis pour la première fois à des femmes aborigènes de s'exprimer et d'être reconnue à l'extérieur de la communauté.

  Au milieu des années 80, l'exemple de la peinture acrylique de Papunya s'est propagé dans les autres communautés du désert central. La première à suivre cet exemple fut Yuendumu avec le projet des portes de l’école. Cette expérience lancée par le directeur de l’établissement consistait à demander à des aînés initiés de peindre les 29 portes de l’école avec les principaux rêves walpiris passant par Yuendumu. Ensuite d’autres communautés plus excentrées comme Balgo en Australie occidentale et Lajamanu au nord du territoire walpiri se sont lancées dans la peinture à l’acrylique en apportant chacune leur originalité.

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   Actuellement, la plupart des communautés aborigènes ont mis en place des coopératives de peintres gérées par des coordinateurs artistiques blancs qui assurent la fourniture du matériel, la vente des toiles et le paiement des artistes. L’introduction de cette peinture sur le marché international de l’art a conduit à la fois à une diversification des styles et à une concurrence accrue entre les différents centres de peintures.

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Une première approche de la peinture aborigène

   Lorsqu’on regarde pour la première fois une peinture aborigène du désert central, le regard est à la fois attiré par des signes inconnus et l’effet visuel des petits points. L’émerveillement passé, chacun s’interroge sur la signification des motifs abstraits représentés sur la toile. La réponse à ce genre de question se trouvent exclusivement dans la culture aborigène.

  Traditionnellement, la peinture aborigène décrit deshistoires ancestrales qui mettent en scène des héros vivant au temps de la création du monde. Les aborigènes appellent ce temps lointain "Dreamtime" ou "Tjukurrpa". Ces récits racontent d’une part les règles de la vie en commun et d’autre part l’origine des particularités du paysage et des animaux. Cependant le nombre de ces récits n’est pas figé car les aborigènes continuent à produire d’autres histoires qui leurs sont révélés en rêve. Ces nouveaux récits sont souvent une manière de justifier un changement à l’intérieur du groupe ou de nouer de nouvelles relations avec un groupe voisin.

  Les motifs utilisés pour la peinture sur toile étaient autrefois dessinés sur le sable ou sur les parois d’une grotte. Ces motifs représentent les trajets empruntés par les héros mythiques du Dreamtime. Ils forment des cartes géographiques dessinées en perspective aérienne. Cette position particulière du peintre par rapport au sujet est une caractéristique essentielle de la peinture aborigène du désert central.

peinture.JPG (16030 octets)  La technique employée par les peintres aborigènes révèlent les liens profonds qui les unissent à la terre. Le fond de peinture est en général ocre rouge ou noir, il représente le sol ou le sous-sol du désert. Ce fond est indispensable à la vision du peintre, il est le substrat nourricier de sa vie et de ses rêves. Au dessus, des motifs aux couleurs terreuses sont peints en formes larges. Dans cette phase les gestes du peintres sont lents et appliqués. Les signes ainsi placés ont un caractère immuable parfaitement adapté au récit mythologique. L’achèvement du travail consiste à délimiter puis remplir les formes avec une multitude de points. Cette technique pointilliste est à la fois une transposition picturale des moyens utilisés dans les fresques anciennes et une manière de cacher certains motifs secrets. Dans la chaîne MacDonnell, on trouve des pétroglyphes anciens réalisés par poinçonnage dans lesquelles les contours des signes sont des lignes de points. Cette technique de détourage se retrouve aussi dans les premières peintures exécutées à Papunya en 1971. D’autre part, l’agglomération de petits points rappelle le duvet végétal ou animal des immenses fresques exécutées sur le sol pour les cérémonies.

  Enfin, le fait qu’il n’y ait pas de signature au bas d’un toile aborigène est un détail révélateur des liens à l’intérieur d’un groupe aborigène. En effet une histoire décrite sur toile appartient à une partie d’une tribu et non pas à un individu. La responsabilité collective des rêves est donc plus forte que la propriété artistique d’un individu. Cet ordre des valeurs a longtemps été un frein à l’expansion de la peinture à l’acrylique dans les communautés du désert central. Pourtant cela n’a pas empêché les institutions australiennes et les marchands d’art d’imposer quelques grands noms de peintres aborigènes sur la scène artistique mondiale. Pour donner un exemple de cette réussite, Sotheby’s a vendu une toile d’un grand peintre du Kimberley plus de 100 000$AUS. Malgré cela, les peintres aborigènes sont restés fidèles à leur manière de vivre et ils distribuent sans compter l’argent des toiles à leur entourage.

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