L'histoire des rapports entre l'Australie blanche et les Aborigènes

 

 

Les premiers contacts

    Avant l'arrivée des Anglais, les aborigènes occupaient le continent australien depuis au moins 24000 ans. Les seules relations qu'ils entretenaient avec le monde extérieur sont celles avec les pêcheurs d'holothuries venus de Sulawesi. En 1788, James Cook prend possession de l'Australie au nom du roi Georges III.  Cette nouvelle terre est déclarée "terra nullius". Pour les Anglais, cela signifie que le peuple aborigène n'existait pas avant leur arrivée !

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Coober Peedy, village du désert habité par les chercheurs d'opales

  Les premiers campements européens dans le Territoire du Nord datent des années 1820. Les premières villes comme Darwin ou Alice springs ont été crées un peu plus tard vers 1870. A cette époque, le bétail des colons envahissait les terres occupées par les aborigènes. Les fermiers blancs n'hésitaient pas à tuer des "abos" pour imposer leur territoire. Pendant ces massacres organisés, la police ferme les yeux ou, pire, participe aux expéditions punitives. A la même époque, la découverte de gisements d'or amène des mineurs venus d'Europe et d'Asie. Cette nouvelle invasion amplifie encore les massacres. A tout cela s'ajoute la propagation intentionnelle de maladies venues d'Europe, comme la variole, qui déciment encore plus le peuple aborigène. Pour illustrer cette chute démographique, les chiffres de la population aborigène sont éloquents :

Année

Population aborigène d'Australie

Pourcentage de la population aborigène par rapport à la population totale d'Australie

1788 314500 99,7 %
1861 180400 15,7 %
1871 155300 9,3 %
1881 131700 5,9 %
1891 110900 3,5 %
1901 94600 2,5 %
1911 83600 1,9 %
1921 75600 1,4 %
1933 73800 1,1 %
1947 87000 1,1 %
1954 100000 1,1 %
1961 117500 1,1 %
1971 150100 1,2 %
1981 171200 1,2 %
1991 238600 1,4 %

Ces chiffres correspondent au minimum de la population d'après Smith, "The aboriginal Population of Australia", Australian National University Press, Camberra, 1980 ( source citée dans "Encyclopaedia of Aboriginal Australia, AIATSIS). 

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Le début du siècle

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    Le début du 20e siècle est marqué par l'enlèvement des enfants "half-caste". A cette époque, plusieurs ordonnances d'état permettent à l'administration australienne d'enlever les enfants métis à leurs familles et de les placer dans des institutions. Le but de cette entreprise est de supprimer la culture aborigène du continent australien. Les institutions sont souvent dirigées par des religieux qui inculquent aux enfants une éducation blanche. Pour atteindre cet objectif, les enfants sont soumis à des règles strictes et subissent, en cas de désobéissance, des punitions morales et physiques humiliantes. En 1997, un rapport d'enquête intitulé "Bringing them home" révelait à l'ensemble des Australiens ces pratiques du passé. Ce rapport contient plus de 700 témoignages accablants de personnes déracinées et abusées. Les auteurs précisent que ces pratiques ont continué juqu'aux années 70 et qu'elles ont touché entre 1 pour 3 et 1 pour 10 enfants aborigènes de toute l'Australie.

   Parallèlement, la mise en place de réserves pour les adultes a assuré une certaine protection des aborigènes contre les abus des prospecteurs miniers. A cette époque, les campements aborigènes sont tolérés sur les propriétés d'élevage mais à condition de fournir une main d'œuvre bon marché. Les salaires sont payés en sachet de thé, farine et sucre. L'introduction de cette alimentation étrangère entraîna l'apparition de maladies nouvelles pour les aborigènes comme le diabète ou l'obésité. D'autre part, la nourriture traditionnelle ayant presque disparu, les aborigènes sont obligés de voler du bétail pour se nourrir. En réponse à ces vols, la police et les colons blancs organisent des massacres qui resteront gravés dans les mémoires. Celui de Conniston (1928), situé à l'est de Yuendumu, dura plus d'une année et fit officiellement 17 victimes. En réalité, c'est une tribu entière qui fut rayée de la carte de la région. Le résultat de ces rapports violents se retrouve dans les chiffres de la population aborigène : en 1933, le nombre d'aborigènes est au plus bas et ceux de Tasmanie sont définitivement exterminés. Les défenseurs de la cause aborigène emploient le terme génocide pour parler de cette période dramatique.

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De l'après guerre jusqu'aux années 60

    Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le gouvernement du Commenwealth met en place une politique d'assimilation. L'un des outils de cette politique est le camp de regroupement qui devait permettre l'intégration des aborigènes dans la société blanche. Cependant, le fait de regrouper plusieurs tribus au même endroit risquait d'entraîner des conflits car certains groupes tribaux étaient forcés à vivre sur des terres qui ne leurs appartenaient pas. Pour maintenir la paix à l'intérieur des camps, il fallait que la police et l'administration soient particulièrement vigilantes et zélées. L'expérience de G. Bardon, instigateur de la peinture à l'acrylique chez les aborigènes du désert, donne une idée de l'ambiance qui régnait dans ces camps au début des années 70. Bardon, professeur de dessin dans le camp de Papunya, avait donné aux aborigènes le moyen d'exprimer leur culture par la peinture et de gagner de l'argent avec le fruit de leur travail. Évidemment l'administration blanche du camp de Yuendumu interpréta cette expérience comme un détournement de l'action qui devait tendre à effacer la culture aborigène au profit de la culture dominante blanche. Pris entre les contradictions des uns et des autres, Bardon fut rejeté du camp et termina son expérience dans une maison de repos à Sydney. Officiellement, cette politique fut remise en cause parce qu'elle ne permettait pas d'assurer l'autonomie économique des aborigènes. Il est vrai que la culture aborigène est totalement étrangère aux valeurs de l'économie capitaliste !

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Le lac artificielle Argyle (Kimberley) où plusieurs sites aborigènes ont été noyés

    Au début des années 60 et parallèlement à ce qui ce passait dans les camps, les aborigènes qui travaillaient dans les fermes se mettaient en grève pour réclamer de meilleurs conditions de vie. Notamment, ils demandaient l'égalité des salaires entre noirs et blancs. A l'époque la plupart des aborigènes employés par les blancs ne recevaient pas d'argent mais un peu de nourriture et des vêtements. La réaction des propriétaires blancs à ces revendications fut une diminution des emplois dans les fermes. Au bout du compte, les aborigènes désœuvrés plongèrent massivement dans l'alcoolisme. Après ces mouvements de contestation, un référendum tenu en 1967, donna au gouvernement du Commonwealth le pouvoir de légiférer pour les Aborigènes dans tous les états d'Australie. En outre, il permettait aussi de comptabiliser les Aborigènes dans le recensement national : avant cela, les Aborigènes d'Australie n'étaient pas Australiens puisqu'ils n'existaient pas !

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Les années 70

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Terre aborigène à côté de Haast Bluff (Territoire du Nord)

  A partir de 1972, le gouvernement de G. Whiltam, mit en place une politique plus humaine d' autodétermination. Cette politique avait l'ambition de donner aux aborigènes le droit de choisir la terre où ils voulaient vivre. La première conséquence de cette politique généreuse fut l'instauration d'une loi sur le droit à la terre aborigène dans le Territoire du Nord ("Aboriginal Land Right Act" 1976). Ce texte permet aux aborigènes de réclamer en justice des terres ancestrales afin d'obtenir des titres de propriété libre et perpétuelle ("freehold title"). Ces titres leurs donnent alors la possibilité de négocier avec les compagnies minières l'exploitation de leur sous-sol contre des "royalties". Les bénéfices tirés de ces accords représentent maintenant l'une des principales ressources financières des communautés aborigènes du Territoire du Nord.

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Les années 90

    Enfin dans les années 90, une décision de justice laissait espérer que les lois du Territoire du Nord puisse s'étendre à toute l'Australie : c'est la fameuse affaire "Eddy Mabo contre le Queensland". Ce jugement, rendu en 1992 par la Haute Cours d'Australie, reconnaissait le droit à la terre des aborigènes des îles Murray (situées entre la Papouasie Nouvelle-Guinée et l'Australie) et surtout mettait  fin à l'illusion de la "terra nullius". Pour contrecarrer cette décision de justice, le gouvernement du Commonwelth  mit en place, en 1994,  une loi sur les titres fonciers autochtones : le "Native Title Act" . Cette loi instaure dans toute l'Australie un tribunal chargé de juger les litiges fonciers entre les aborigènes et les propriétaires blancs. Cependant, cette loi est beaucoup moins forte que celle mise en place dans le Territoire du Nord car elle est limitée au droit de passage sur une partie de terre ou de mer. De plus, un jugement rendu par ce tribunal national peut être remis en cause par les états. Dans la pratique, cette loi a souvent mis fin aux titres fonciers autochtones puisque les droits fonciers des aborigènes étaient volontairement limités.

    Dernière bataille dans cette guerre politico-juridique, une nouvelle décision de la Haute Cours, datée de décembre 1996, redonne espoir qu'un jour les titres de propriétés aborigènes soient reconnus. Cette décision, dans l'affaire qui opposait les gens de Wik contre le Queensland, impose aux deux parties de vivre ensemble sur la terre en litige. Cette décision mettait encore une fois le gouvernement australien dans l'embarra. Le Premier Ministre J. Howard proposa un plan en 10 points qui amendait le Native Title Act dans le but d'assurer plus de garanties au puissant lobby des fermiers. Ce plan fut adopté en 1998 après quelques modifications mineures.  A la veille des Jeux Olympiques de Sydney, le Conseil National de Réconciliation Aborigène déposera auprès du gouvernement du Commonwelth une déclaration pour la réconciliation qui demande, entre autre, l'abandon du plan en 10 points sur les titres fonciers autochtones et des compensations pour les familles des enfants volés. L'affaire est donc à suivre...  

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